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Fatou BARRY

NEUILLY-SUR-SEINE

En résumé

La chance : Guinéenne déracinée puis mannequin français


Je m'appelle Mélanie Fatou Barry. Je suis née le 10 janvier 1963 à Mamou, petite ville de Guinée. Je suis arrivée en France, plus précisément à Paris en 1976 en tant que femme mariée. Je ne connaissais personne hormis mon mari. Je m'ennuyais beaucoup dans cette grande ville cosmopolite, loin de mon cher pays. Je ne connaissais rien de Paris : ni les coutumes, ni les traditions, tout était étrange pour moi.

Nous nous installâmes d'abord dans le quartier de la Bastille puis nous avons déménagé à Plaisir (78) où nous avons eu quatre enfants entre 1977 en 1996.
En 1988, le hasard me permet de rencontrer Jean Claude Céleste, un photographe qui me suggère de poser et de me présenter dans une agence de mannequinat, munie d’un « book » réalisé en commun. Mon premier rendez-vous se solde par un engagement chez « Cosmopolitan », et dès le premier casting, je suis choisie pour défiler. Mannequin en prêt à porter et haute couture ! Aux défilés ont succédé les séances de pose pendant cinq années folles et exaltantes. En 1990, avec le projet d'assurer mon avenir, j'obtiens le C.A.P (Certificat d'Aptitude Professionnelle) d'esthéticienne et cosméticienne.



Le succès : restauratrice en vogue
Alors que je cherche un local commercial pour ouvrir un salon d'esthétique, je remarque à quel point Paris, grande ville européenne, manque d'une représentation digne de la gastronomie de mon continent d’origine.

Finalement, j'ai l'idée de défendre les couleurs d'une cuisine africaine de qualité, de faire découvrir sa richesse aux français, en imaginant un concept de restaurant qui devait battre en brèche les préjugés sur l'Afrique, réel défi à relever que de mettre l'ethnique à la portée des papilles européennes !

J'ouvre mon premier restaurant en 1995, rue Duhemes dans le 18ème puis le suivant, en 2000, rue Jean Mermoz dans le 8ème, et le dernier en 2004 « Flagship » de la cuisine africaine d'une surface de 200m², place des Corolles à la Défense.

Chef d'entreprise exigeante, manager d'une dizaine d'employés, chef d’orchestre des relations publiques de mon affaire… Mon rythme de vie trépidant ne m'empêche pas de me consacrer à des activités physiques vitales pour mon équilibre : judo, tennis, golf, fitness, je pratique tout, allègrement et sans économiser mon énergie. Et chaque fois que je peux, je danse à perdre haleine dans les boites de nuit parisiennes !



L'épreuve : malade sans antécédent
C’est en septembre 2005 que soudainement, ma vie prend un nouveau tour. Je suis sujette à des accès de fièvre et des maux de tête fréquents. J'erre de consultation en consultation, d'hôpital en hôpital sans qu'aucun médecin ne sache ni me soulager, ni nommer mon mal qui s'aggrave de jour en jour.

Bientôt une fièvre aigüe se déclare – ma vue se trouble, tout mon corps frissonne, des douleurs insupportables m'envahissent des pieds à la tête - et malgré mon état de faiblesse, je me rends en chancelant aux urgences. Les médecins me renvoient chez moi en diagnostiquant une grippe bénigne. Je refuse leur point de vue, persuadée de l'extrême gravité de mon état, et j'ose affronter seule tout le corps médical. J'obtiens gain de cause. Enfin hospitalisée, on découvre que je souffre d'une tuberculose pulmonaire très aiguë.

Inquiète de la précarité des soins, ma famille sollicite mon transfert dans un autre hôpital plus spécialisé. Les médecins expliquent alors à mes proches que je n'ai qu'une chance sur 100 de survivre, et que les traitements puissants administrés s'ils peuvent me sauver, risquent de me laisser « mongolienne » selon l'expression même des médecins. Mes enfants font cette réponse fulgurante et affectueuse : ils préfèrent « avoir une mère mongolienne mais vivante, plutôt que morte ». Je sombre dans le coma. On me transfert. Je reprends connaissance au service réanimation après deux semaines entières de coma et grâce à Dieu.
Lorsque ma famille me rend visite, je souffre presque davantage de ne pouvoir communiquer avec eux tant les gros tuyaux m'obstruent le bouche et les narines, et j'éprouve la plus grande peine du monde à esquisser le moindre geste ou à coordonner mes mouvements.

Je vois les membres de ma famille m'entourer, je brûle de leur parler, de leur poser des questions mais je ne me souviens de rien. Je suis couchée là, inerte et bouillante d'une noire colère intérieure. Mon fils aîné a l'heureuse idée de me passer une ardoise pour écrire : mes mains sont impuissantes à dessiner les mots que je veux dire, les lettres se mélangent sur l'ardoise dans un ordre incohérent. Toutefois, à force de volonté, je parviens à écrire quelques mots dérisoires et désespérés : « Les médecins sont en train de réaliser une expérience sur moi ». Puis toute ma famille éclate de rire en me disant: « Maman, on ne te fait rien de mal, on t'a changée d'hôpital. Tu étais dans le coma mais grâce à Dieu tu t'es réveillée. Maintenant tout va bien, nous sommes tous à côté de toi. »



La souffrance : le corps handicapé
Dans ma chambre d'hôpital, seule et désespérée, je commence à avoir d'étranges visions. Chaque jour, à certains moments, je vois plusieurs personnes inconnues m'entourer comme s'ils veillaient sur moi. Ces étrangers me distraient, engagent la conversation avec moi, et nous devisons cordialement ensemble. De temps en temps, j'arrête de parler et je me dis : « Fatou, si quelqu'un te trouve en train de parler toute seule, on va te prendre pour une folle ! ».

En effet, il n'y a que moi qui vois ces étranges personnages et dès que quelqu'un pénètre dans ma chambre, ils disparaissent subitement. Pendant trois semaines cet étrange ballet d'apparitions se poursuit et me détourne de ma solitude, de mon sentiment d'abandon. Je puise dans ces dialogues fantômes, espoir, force et réconfort, et peu à peu je récupère un semblant de vitalité.
Au bout d'un mois, mon état général s'améliore et on me transfert au cinquième étage où je reste en quarantaine, en chambre d'isolement avec l'interdiction absolue de tout contact. Je passe mon temps à fondre en larmes, à contempler le triste carré de stade que j'entrevois de ma fenêtre, au cours de journées interminables.

Enfin, un beau jour, on m'autorise à revoir ma famille. Elle m'a énormément manquée.
Je sors éprouvée de cette longue épreuve : je parle avec peine, ma voix a mué, elle sonne comme celle de la grand-mère qui m'avait élevée pendant toute mon enfance. Ma diction est ralentie. Alitée trop longtemps, j'ai perdu du muscle et du poids : je pèse alors 30 kg pour 1,74m. Jour après jour, à chaque visite, mes enfants me massent les jambes, et pour me fortifier les muscles et un kinésithérapeute de l'hôpital vient tous les matins pour me réapprendre à marcher.

En tout et pour tout, je passe un an à l'hôpital, à subir des traitements très lourds, dans un état de constante faiblesse, tourmentée par les prises de médicaments à horaires fixes qui rythment ma journée, du réveil dès 6H00 à jeun, puis qui se succèdent toutes les trois heures jusqu'au soir 18H00.

Je m'ennuie mortellement, déprimée par les râles de détresse de mes voisines de lit mourantes, en proie à la nostalgie de ma vie antérieure, à la pensée de l'injustice de la maladie qui me frappe, à l'angoisse d'un avenir sombre et d'une vie future dans un corps à jamais handicapé, meurtri et diminué.
Puis je suis sujette à une tachycardie : mon cœur bat tellement vite que mon médecin inquiet pour ma vie, m'interdit tout mouvement, tout déplacement, ou le moindre effort. Je me retrouve clouée de nouveau au lit sous monitorage permanent, rattachée à la vie par les perfusions dans lesquelles on me déverse des culots de sang.

Au bout d'un an d'hôpital, on me prescrit un repos absolu dans un centre spécialisé. Malheureusement, la nourriture s'y avère aussi infecte qu'à l'hôpital et la cohabitation avec les pensionnaires tantôt déments, tantôt souffrants, reste éprouvante pour moi. Je réclame rapidement la possibilité de rentrer chez moi.
Pendant une année supplémentaire, je récupère lentement, en m'enfermant dans une solitude volontaire. Effrayée de devenir un objet de pitié ou de feinte sollicitude, je refuse tout contact avec le monde extérieur, je m'efface, je fuis mes proches, mes anciennes amies ou mes connaissances qui, pourtant, me recherchent activement.

Un jour, alors que prépare mon prochain voyage en vacances dans mon appartement, des vertiges se déclenchent subitement, je perds l'équilibre et je m'effondre au sol. J'appelle immédiatement mon médecin qui me conseille de passer le plus vite possible un scanner.
Quelques heures plus tard, mon médecin m'apporte le résultat des examens dans ma chambre d'hôpital. Sa mine est triste. Elle m'assène tout à trac : « Madame Barry, j'ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Le coma passé qui vous a affecté, ainsi que les traitements administrés ont lésé votre cervelet : vous allez perdre petit-à-petit la faculté de marcher ». Je suis anéantie.



Le renouveau : la volonté de vivre pour soi et pour les siens


J'ai passé plusieurs examens neurologiques, et des visions me reprennent. Sur les murs de l'hôpital comme sur un écran, défilent les images familières et colorées des marchés guinéens. Lorsque je les relate au neurologue, il se moque gentiment de moi en disant : « Madame Barry, vous êtes bizarre ! Vous vivez en France et vous voyez les marchés en Afrique. De toute façon on va vous soigner. » Son traitement est un succès car en quelques jours, ces séquences mystérieuses disparaissent et je peux rentrer chez moi.

Malheureusement de nouveaux problèmes m'assaillent : diplopie d'un côté, tétraplégie de l'autre. Je m'imagine d'abord en fauteuil roulant avec des lunettes sur le nez, mais cette perspective m'est insupportable. Mon sang rebelle ne fait qu'un tour.

Je décide que rien ne m'empêchera de marcher, parole de Peul ! Je me relève par tous les moyens et tente de déployer mon corps grêle en hauteur au grand dam des meubles de la maison qui se brisent un à un sous le poids de mes chutes répétées. En effet, mon cerveau ne réalise toujours pas que je suis maintenant handicapée.
J'entame bientôt une kinésithérapie rééducative et jour après jour, semaine après semaine, mois après mois depuis 3 ans, des progrès se font sentir. Je réapprends la marche, la montée des escaliers, l'écriture, la coordination des mouvements, j'entraine mes yeux avec l'aide d'une orthoptiste, je pratique tous les appareils de fitness, afin de récupérer une musculature suffisante.

Malgré tout mon courage, il m'arrive encore de pleurer en pensant à ma vie passé. Je me dis : « Fatou, il faut te battre car tu ne peux compter que sur toi ! »

Aujourd'hui, Dieu merci, je commence à recouvrer la santé. Les vertiges demeurent en position orthostatique, néanmoins mon combat acharné n'a pas été vain. Je marche avec une béquille certes mais je marche ! Je m'exprime normalement, ma vision s'améliore, je peux saisir les objets à ma portée et effectuer les gestes de la vie quotidienne. Je parviens à sortir accompagnée ou parfois même seule sur les petits trajets, et plaisir suprême : je cuisine à nouveau d'excellents plats africains !
J'ai tiré beaucoup d'enseignements de cette longue période de souffrance. J'ai compris et je tiens aussi à faire comprendre à d'autres : « Quand on a des problèmes dans la vie, il faut se battre et croire en Dieu en priant beaucoup car c'est vrai, Il existe !». Mon médecin m'a toujours dit que « quelqu'un là haut » me protégeait.

Aujourd'hui mon moral est plus inébranlable que jamais. Je pense constamment aux personnes qui souffrent d'un quelconque handicap car j'ai compris la difficulté d'être dépendante, de ne pas pouvoir faire les choses qu'on faisait naturellement avant sans y réfléchir.

Les handicapés rencontrent de nombreuses et grandes difficultés que les gens bien portant ne peuvent appréhender. Heureusement pour moi, j'ai eu beaucoup de chance de vivre dans un pays où les personnes en situation de handicap bénéficient d'une certaine reconnaissance, d'aides financières et médicales (rééducation, fauteuil roulant, béquille, bus aménagés et maisons adaptées, langage braille, chiens d'aveugles, langage des signes pour les sourds muets, emplois réservés).

J'ai vécu dans deux mondes parallèles et totalement différents : le monde génial du travail, de l'argent, des amis, des soucis dont on ne mesure pas la futilité. Et un autre monde de douleur physique et morale, d'inactivité et de dépendance, extrêmement difficiles à supporter pour quelqu'un qui a toujours aimé travailler et être autonome, actif.
On ne passe pas impunément du néant obscur de la maladie à la lumière de la vie et de l'espoir retrouvés. On ne traverse pas toutes ces épreuves, seule.

Je veux rendre hommage à Victoria, ma plus jeune fille bien aimée, qui a supporté mes pleurs, mes plaintes, mes cris. Ma petite fille de neuf ans a dû murir prématurément et au cours de ces quatre dernières années, s'est muée en mère affectueuse, capable de me soutenir, de me consoler, de me bercer parfois, de me nourrir, de me protéger... Son amour m'a nourri et finalement a été la sève de ma survie. Victoria est ma force !

Je souhaite que toutes les personnes qui souffrent aient la chance de voir à leurs côtés une « Victoria » aussi aimante et dévouée !

Cette aventure qui me touche directement me donne envie de créer une association afin d’accompagner des personnes en situation de handicap dans mon pays d’origine.



Mes compétences :
Restoration of antiques

Entreprises

  • Tamaouh - Fondatrice présidente

    maintenant
  • TAMAOUH - PRÉSIDENTE FONDATRICE

    2010 - maintenant
  • Savanah café - Restauratrice

    2000 - 2004
  • Agence amazones - Mannquin

    1988 - 1993

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