Lettre à un(e) ami(e) qui voudrait devenir infirmier(e)...
12 mai 2013
« Si tu peux, si tu sais, si tu crois... »
Si tu peux d’un coup d’œil mesurer un danger,
Et choisir aussitôt le geste approprié.
Si tu peux aussi bien évaluer la douleur
Et prononcer les mots qui atténuent la peur.
Si tu peux dans l’instant répondre à des besoins,
Comprendre la demande et dispenser les soins,
Courir dans la journée et continuer le soir,
Sans gémir ni te plaindre et sans broyer du noir.
Si tu peux sans faiblir travailler à réduit,
Si tu peux revenir, quand tu étais partie,
Pour remplacer une autre qui n’a pu tenir,
Prévoir l’imprévisible et garder le sourire.
Si tu peux malgré ça échapper au burnout,
Écouter ta collègue et l’équipe qui doute,
Écraser une larme, avaler tes sanglots,
Et, reprenant espoir, repartir au boulot.
Si tu peux assumer d’être manipulée,
Déplacée comme un pion, sans cesse chahutée,
Pour servir de prétexte à des rapports oiseux
Rédigés par des gens qui ne pensent qu’à eux.
Si tu peux accepter de n’avoir de merci,
Ni de ta direction, ni de ta hiérarchie,
Heureuse seulement de ce dernier regard
Que te donne un patient au moment du départ.
Si tu sais rester calme, empathique et amène,
Quand tout, autour de toi, s’agite et se démène.
Si tu parviens, auprès du patient angoissé,
Dominant tes soucis, aimable et pondérée,
À diminuer sa peur et à le rassurer.
Si dans ces moment-là tu sais rester posée,
Tandis qu’auprès de toi chacun appelle et sonne,
Soignant avec douceur, malgré le téléphone.
Si tu peux accepter des ordres énervés,
Illogiques souvent et parfois insensés,
Écrire sans arrêt sur ton ordinateur
Des feuilles de suivi qui te prennent des heures.
Si tu peux résister à l’énorme pression
Qui s’accroche à ta blouse et te fait un bâillon.
Et si tu peux aussi n’être rémunérée
Que par des bas salaires et des jours non payés.
Si tu peux apporter un peu de réconfort
Aux résidents âgés qui espèrent la mort,
Parcourir avec eux sur leur dernier chemin
Ce peu qui les conduit à leur dernier matin,
Et traîner avec toi cette cohorte d’ombres
Gardant le souvenir des heures les plus sombres,
Oublier une fois et puis te souvenir
De tous ces disparus qui ne peuvent s’enfuir.
Et si tu crois encore qu’existent sous le ciel
Et la satisfaction, l’éthique et la conscience.
Si tu veux savourer avec le pain le miel,
Réalisant enfin ton vieil espoir d’enfance.
Si tu veux tout cela, si tu es acharnée,
Avec humilité mais tout en restant fière,
En ton futur métier tu pourras espérer.
Ce jour-là, mon amie, tu seras infirmière.
Merci à Rudyard Kipling et au poème « Tu seras un homme mon fils » (1910)
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