S'il ne restait que la peau, que la peau et les os...
mais il reste aussi ces tâches sombres et profondes ou pastels délavés, à l'emplacement des yeux.
Ces non-regards qui ont vu l'indicible et autour le chaos d'un visage esquissé. Contours flous grisés sous l'effet du stagnant. Quelques gerbes brunâtres en strates de sang séché soulignent la résignation d'une existence maculée, acculée.
C'est dans l'abîme spectral, le puits où s'enfonce la mémoire, que tout se joue. L'obscurité d'un autre monde, réceptacle de la fange d'une identité bafouée. Témoins du coma de la nuit, les traces brutes d'une folie convulsive se coagulent en aplats léthargiques, en flaques inertes, expiatoires d'une agonie prononcée. Dans ces anfractuosités s'amassent toute la souffrance de la chair angoissée et la béatitude d'une issue rédemptrice.
Rapidement, l'apparente placidité des traits prisonniers de la toile sous le glacis de gris, transgresse l'évitement. C'est alors une plainte silencieuse qui s'exhale de ces trous, yeux, bouche, narines, oreilles... elle suinte, elle hurle, elle explose l'ultime couche de chair, perfore nos tympans. Impossible de ne pas l'entendre, impossible de ne pas blêmir, geindre et vomir à l'écoute de ce cri. Diarrhée verbale contre le mal, logorrhée contre la barbarie. C'est la marche en avant. C'est la valse du temps. Cohorte macabre des visages de l'effroi qui libèrent par tous leurs orifices le flot incontrôlé de la peur.
Visages envasés, estompés. Gris, à l'image de leur âme saccagée. Etres, en quête de l'être.
Fanny Laheurte
Directrice Artistique du magazine Artension
Mes compétences :
Peinture contemporaine
Pas de formation renseignée