DESHAIES
BOUBA ON THE WAY !
Le trait chez Bouba est assuré et impulsif à la fois.
Le geste dure le temps d'une petite musique, juste le temps de saisir quelque chose.
C'est ce quelque chose que le travail de Bouba sur un support adhésif va faire emporter, transporter, coller, exposer, trouver, perdre, découvrir, échanger et collectionner...
Qui sait l'avenir l'avenir d'un autocollant ? Il y aurait matière à en faire un roman.
En quelques traits, lignes, courbes, points, déformations et revisitations d'icônes, signes ou sigles, l'artiste saisi ce qui « est » son temps, autour de lui, dans son espace, en lui et dans sa connaissance de l'histoire du monde et des arts.
C'est un état d'esprit au sens complet du terme.
Un peu comme chez Jack Kérouac dans le roman culte de la Beat generation « Sur la route », Bouba qui se déplace à travers la Guadeloupe et ailleurs avec économie de moyens, transcrit et retranscrit des instants, des rencontres, des choses vues, ressenties ou rêvées.
Comme des histoires courtes, les adhésifs de Bouba nous familiarisent un peu plus avec un univers qui mixe le passé, le présent et l'à venir. Têtes, profils, femmes, hommes, joueurs de ka, grenouilles, poissons, bateaux et autres montagnes peuplent ses stickers.
C'est ainsi que Bouba revendique juste un aspect de son travail graphique et plastique. Le sticker art ou la technique adhésive lui permet de s'approprier un espace, une visibilité, une mobilité de l'œuvre et un média utilisé dans la publicité.
Noir pour les contours, beige et rouge « roucou » couleurs des poteries amérindiennes, bleu ciel, bleu lagon ou vert manioc, les couleurs sont au service du trait et insistent sur le caractère inspiré de ces œuvres originales.
Bouba souffle un alizé frais, plein de tendresse et d'humour avec ces petites pièces qui remportent déjà une vive adhésion et circulent au gré des croisements.
DIGIGRAPHIES
L'autre pratique ou technique mixte, est la photographie faite ou trouvée, choisie par Bouba qui intervient dessus pour ce qu'il nomme son travail de "digigraphie".
Cette autre façon de faire de l'image, consiste à utiliser des photos existantes et de les retravailler avec un logiciel connu auquel on ne fera aucune publicité.
En fonction du matériau de départ, il crée de nouvelles œuvres en usant des curseurs sur l'ordinateur et ajuste, luminosité, contraste, saturation, température, teinte chaude ou froide, netteté avec la touche inspirée du feeling qui lui a fait choisir cette image. Avec cette technique Bouba complète son champ d'expériences graphiques et digitales pour raconter son pays.
Un vélo, des portraits de gens croisés, des scènes de la vie locale, dans la canne ou dans une usine abandonnée livrée aux figuiers maudits, des peintres à l'œuvre et en action sont autant de moyens pour faire clin d'œil à des mouvements artistiques, à des ami(e)s et à des artistes. Tantôt impressionniste, minimaliste, bien pop art, jazz cool, BD and Co, Bouba mixe des pixels et le temps pas tout a fait figé...
Toujours dans une optique de toucher le plus grand nombre, il mélange les genres,
les époques, les fait parler du patrimoine, de l'habitat, des gens de la canne, de la
campagne, des boeufs tirants, de la vie avec une écriture très contemporaine et
bourrée de technologies. Au passage, il se fait plaisir en travaillant pour exemple le
portait de Joël Nankin, ami de longue date, grand peintre et militant, icône vivante du
pays Guadeloupe.
C'était un petit tour, une circulation à travers les pièces créées par Bouba. Dessins
adhésifs et digigraphies sont fixés sur des plaques offset d'imprimerie recyclées,
faciles à emporter et à transporter dans un autre espace. C'est aussi cela l'art pour
Bouba : la capacité à produire, à créer avec ce qu'il y a, ancien ou high tech, support
noble ou récupéré et à se déplacer avec les gens, avec le temps va...tout ne s'en va
pas.
Nathalie HAINAUT
Commissaire d'exposition, critique d'art
Mes compétences :
Art
Plasticien
Pas de formation renseignée
